Un diagnostic médical n’évoque que rarement une seule maladie. D’après les chiffres de l’OMS, plus d’un tiers des personnes vivant avec une affection chronique cumulent au moins un autre trouble. Quand plusieurs pathologies s’invitent en même temps, le suivi médical se complique, le pronostic se brouille, et les soins évoluent en conséquence.
Certains enchaînements de maladies décuplent le risque de complications, surtout face au cancer ou lors d’infections sévères telles que le COVID-19. Les systèmes de santé n’ont d’autre choix que d’ajuster leurs méthodes pour composer avec ces combinaisons cliniques parfois redoutables.
Morbidité et comorbidité : des notions clés pour comprendre la santé
Dans le vocabulaire médical, la morbidité et la comorbidité désignent deux réalités distinctes, pourtant complémentaires, pour saisir l’état de santé d’une population. La morbidité se penche sur la fréquence d’une maladie dans un groupe à un moment donné, via la prévalence ou l’incidence. Cette mesure oriente les décisions publiques, permet de suivre l’évolution d’une maladie chronique ou d’évaluer l’empreinte d’une pathologie sur la société.
La comorbidité entre en scène lorsqu’un patient vit avec au moins une maladie secondaire en plus de sa maladie primaire. Ce terme, apparu d’abord en psychiatrie dans les années 1970, s’est vite imposé pour décrire la réalité des maladies chroniques et des situations de polypathologie. Dès qu’on parle d’association de plusieurs pathologies, on utilise aussi les expressions multimorbidité ou polypathologie, le pronostic, la prise en charge et la qualité de vie s’en trouvent bouleversés.
Avec l’âge ou l’évolution de certaines maladies comme le diabète, l’hypertension ou les maladies cardiovasculaires, certaines comorbidités fréquentes se déclarent. Pour mesurer leur poids, les professionnels se réfèrent à des outils comme le score de Charlson, le score Elixhauser ou le score CIRS-G. Ces barèmes servent à évaluer la gravité des comorbidités et leur influence sur la mortalité. Pour chaque patient, il faut ajuster les traitements en tenant compte de toutes les comorbidités afin de préserver l’autonomie et d’écarter autant que possible le risque de décès.
Quelles différences entre morbidité et comorbidité ?
La morbidité mesure la fréquence d’une maladie dans une population définie. Elle offre un aperçu de l’ampleur d’un problème de santé, sert à comparer la prévalence d’une pathologie selon les tranches d’âge, les régions ou d’autres critères démographiques. Ce calcul s’intéresse uniquement au nombre de personnes touchées par une maladie précise, sans tenir compte d’autres affections pouvant coexister.
La comorbidité, elle, se concentre sur l’individu. Ce terme désigne la présence simultanée de plusieurs maladies chez un même patient, généralement une maladie primaire et une ou plusieurs maladie(s) secondaire(s). Prenons un exemple concret : une personne atteinte de diabète de type 2 peut aussi souffrir d’hypertension artérielle, de maladie cardiovasculaire ou de néphropathie. Ces associations complexifient le suivi, influent sur la prise en charge et modifient le pronostic.
Cette distinction est fondamentale pour les soignants : la morbidité renseigne sur la santé d’un groupe, la comorbidité révèle la complexité des parcours individuels. La multimorbidité, ou polypathologie, désigne la coexistence de plusieurs maladies chroniques, une situation fréquente chez les personnes âgées ou confrontées à des affections lourdes. Pour ces patients, une approche globale s’impose : il s’agit d’adapter les traitements, d’éviter les interactions médicamenteuses et de préserver la qualité de vie.
Les causes et facteurs de risque à connaître
Pour expliquer la morbidité et la comorbidité, il faut passer en revue plusieurs causes, qu’elles soient individuelles, comportementales ou liées à l’environnement. L’âge arrive en tête : en vieillissant, le corps accumule les pathologies chroniques, ce qui favorise la multimorbidité. La prédisposition génétique peut aussi rendre certains individus plus vulnérables à l’apparition de multiples maladies au fil des années.
Parmi les facteurs qui peuvent être modifiés, plusieurs jouent un rôle déterminant dans le développement des maladies chroniques et des comorbidités. Voici les principaux :
- L’obésité et les déséquilibres métaboliques, qui créent un terrain favorable à l’enchaînement du diabète, de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires ;
- La sédentarité, qui accentue la perte d’autonomie et aggrave les complications ;
- Le tabagisme et la consommation excessive d’alcool, qui accélèrent l’apparition de maladies respiratoires, hépatiques ou cancéreuses.
L’inflammation chronique et le stress oxydatif contribuent aussi à aggraver les situations cliniques, rendant le suivi médical plus complexe. La dépendance, qu’elle soit physique ou sociale, est souvent constatée chez les personnes cumulant plusieurs comorbidités, ce qui a une incidence directe sur le pronostic et la qualité de vie.
La prévention reste un enjeu majeur pour freiner la progression de la morbidité et de la comorbidité. Les recommandations de l’OMS et de la HAS mettent l’accent sur la vaccination prioritaire pour les personnes à risque, notamment face à des infections comme la grippe saisonnière ou le COVID-19. Dans ces situations, la présence de comorbidités rend les complications beaucoup plus sévères.
Comorbidités et maladies chroniques : quels impacts sur le cancer, le COVID-19 et d’autres pathologies ?
La comorbidité vient bouleverser la trajectoire des maladies chroniques. Dans le cas du cancer, la coexistence d’affections comme le diabète, l’insuffisance cardiaque ou la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) modifie non seulement le pronostic, mais aussi le choix des traitements et leur tolérance. Les personnes vivant avec plusieurs comorbidités font souvent face à des taux de survie plus bas et à un risque accru de complications postopératoires ou d’effets secondaires liés à la chimiothérapie.
La pandémie de COVID-19 a mis en lumière la fragilité particulière de ceux qui vivent avec des maladies chroniques. Les données épidémiologiques montrent clairement que l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité ou l’insuffisance rénale multiplient le risque de formes graves, de recours à l’intubation et de décès. L’accumulation de facteurs de risque aggrave l’impact du SARS-CoV-2 sur la mortalité. Des outils comme le score de Charlson ou le score Elixhauser aident à anticiper les complications, en particulier en réanimation.
Mais la multimorbidité ne se limite pas aux maladies infectieuses. D’autres affections chroniques, comme l’asthme sévère, les apnées du sommeil, la fibrose pulmonaire ou la cirrhose, en subissent aussi les conséquences. Les interactions entre troubles psychiatriques, dépression, anxiété et maladies somatiques, telles que la cardiopathie ischémique, sont désormais bien établies. Chez les personnes atteintes de bronchopneumopathie chronique, les comorbidités fréquentes, troubles métaboliques, insuffisance cardiaque notamment, diminuent la qualité de vie, favorisent la dépendance et imposent aux soignants une prise en charge sur-mesure.
Face à ces réalités, chaque parcours de soin devient une navigation délicate, où l’expérience du patient se façonne au fil des diagnostics et des ajustements thérapeutiques. Un défi quotidien, qui redessine en permanence la carte de la médecine contemporaine.