Gestion de l’anxiété face à une mort imminente : rôle clé des membres d’un groupe interdisciplinaire de soins palliatifs

Un tiers des patients en soins palliatifs vivent avec une anxiété qui leur colle à la peau, malgré les protocoles de confort et le soulagement de la douleur. Les recommandations médicales insistent sur la nécessité d’une approche globale, mais sur le terrain, la répartition des rôles au sein des équipes reste floue, presque brouillonne.

L’anxiété existentielle résiste souvent aux médicaments. Quant au soutien psychologique, social ou spirituel, il est souvent relégué au second plan, faute de temps ou d’organisation. Pourtant, la coordination entre professionnels venus d’horizons différents fait toute la différence pour accompagner dignement les patients dans la dernière ligne droite de leur vie.

Comprendre l’anxiété en phase palliative : enjeux et spécificités pour les soignants

L’anxiété s’invite dans le quotidien des patients en soins palliatifs comme un compagnon indésirable. Face à la fin de vie et à l’imminence de la mort, la qualité de vie chancelle. Cette anxiété, doublée parfois d’angoisse, se nourrit de la faiblesse physique, de douleurs récurrentes, de la crainte qu’inspire le pronostic ou l’incertitude du diagnostic d’une maladie grave ou chronique. Le moral vacille, tiraillé entre peur, tristesse et sentiment d’irréparable perte.

En première ligne, l’équipe soignante se retrouve face à des troubles mouvants et multiples. L’anxiété ne se limite pas à la sphère mentale : elle s’exprime par des respirations courtes, des battements de cœur accélérés, des nausées, une fatigue qui s’installe, mais aussi par des manifestations intérieures : pensées envahissantes, irritabilité, agitation, parfois mutisme ou sidération. Autant de signes qui érodent un peu plus la résistance des patients déjà éprouvés. Près d’un patient sur trois en soins palliatifs doit composer avec ce fardeau.

Ce qui distingue vraiment la démarche palliative, c’est l’intégration systématique de l’évaluation de l’anxiété dans le projet de soins. Les soignants utilisent des outils comme l’échelle ESAS ou la HADS pour mesurer l’intensité des symptômes, enrichis par des entretiens cliniques. Cette vigilance affine la prise en charge, permet de distinguer anxiété, état dépressif ou troubles du comportement, et d’orienter l’action de chacun au sein de l’équipe interdisciplinaire. L’accompagnement de l’anxiété se construit ainsi, tissé au fil du projet de soins, en interaction constante avec la gestion de la douleur, la souffrance morale et les attentes du malade.

Quels signaux doivent alerter face à une anxiété liée à la mort imminente ?

Identifier les manifestations de l’anxiété chez un patient en soins palliatifs n’est jamais évident : les symptômes se confondent souvent avec ceux de la maladie elle-même ou les effets secondaires des traitements. Pourtant, certains signaux devraient immédiatement retenir l’attention du groupe interdisciplinaire.

    Les signes à surveiller sont multiples et concernent différents plans :

  • Symptômes physiques : apparition d’une dyspnée sans explication médicale, palpitations, sueurs, tremblements, troubles digestifs, maux de tête, fatigue intense. Les troubles du sommeil tels que l’insomnie, les réveils répétés ou les cauchemars sont fréquents dans ce contexte.
  • Symptômes psychologiques : tension intérieure, inquiétude permanente, pensées obsédantes autour de la mort, irritabilité, concentration difficile. L’inconnu fait peur, la séparation inquiète, le sentiment d’impuissance s’installe, et cela se traduit parfois par de l’agitation, un retrait social, l’évitement du dialogue, voire des crises d’angoisse aiguë.
  • Symptômes cognitifs et comportementaux : confusion passagère, troubles de l’attention, propos teintés de pessimisme, larmes incontrôlables, refus de soins, demandes de sédation qui ne s’expliquent pas par la douleur.

Médecins, infirmiers, aides-soignants et proches doivent rester sur le qui-vive : une anxiété persistante peut être le masque d’une dépression, s’amplifier quand la douleur n’est pas soulagée, ou être aggravée par un entourage anxieux ou une équipe en tension. Les échelles d’évaluation (ESAS, HADS) aident à objectiver l’intensité de l’anxiété et à ajuster l’accompagnement.

Une fatigue qui ne s’explique pas, des nuits hachées, des plaintes somatiques disproportionnées ou des réactions inhabituelles doivent être perçues comme des alertes. L’attitude des proches compte aussi : leur propre anxiété peut rejaillir sur le patient, modifiant la façon dont s’exprime la détresse face à une mort proche.

Infirmiere soutenant la main d un patient en soins palliatifs

Ressources et stratégies concrètes : comment le groupe interdisciplinaire accompagne patients et équipes

Pour apaiser l’anxiété liée à la perspective de la mort, l’équipe interdisciplinaire de soins palliatifs déploie tout un arsenal de ressources non médicamenteuses. Chaque intervention est pensée sur mesure, à l’écoute du vécu singulier du patient et de l’intensité de sa détresse.

Le psychologue occupe une position centrale : il propose une écoute attentive, favorise l’expression des peurs, aide à donner un sens à l’expérience de la maladie, soutient aussi les proches ébranlés par leur propre anxiété. Des outils complémentaires comme la sophrologie, le toucher-massage ou la musicothérapie s’intègrent régulièrement dans la routine, sous forme de séances courtes, adaptées à la fatigue et à la fragilité des patients. Quand les mots se font rares, l’hypnose médicale offre un espace d’apaisement, même au seuil de la communication verbale.

Parmi les approches plus récentes, la réalité virtuelle et la cohérence cardiaque retiennent l’attention pour leur capacité à détendre rapidement et à détourner l’esprit des pensées sombres. Dans chaque geste, l’équipe ajuste sa posture, oscillant entre présence discrète, reformulation bienveillante et respect du rythme propre à chacun.

L’accompagnement ne s’arrête pas au patient : les proches et aidants sont associés à la démarche : ils reçoivent des conseils concrets sur l’attitude à privilégier, se voient proposer des espaces de parole, et bénéficient parfois de formations pour mieux comprendre et gérer l’angoisse. Ce travail collectif, où chaque membre du groupe interdisciplinaire agit en complémentarité, vise à redonner un peu de confort et à préserver, jusqu’au dernier moment, une qualité de vie digne de ce nom.

Dans le huis clos si particulier des soins palliatifs, chaque geste, chaque mot, chaque présence pèse. Le véritable défi : faire de la coordination et de la solidarité professionnelle un rempart contre l’angoisse, pour que la fin de vie ne soit plus synonyme de solitude face à la peur.